Qui apprend vraiment en formation ?

J’ai lu une citation ce matin, dont je ne suis pas certaine de la source :

“Mon meilleur conseil carrière : dans chaque emploi, vous devriez soit apprendre, soit gagner de l’argent. L’un ou l’autre est bien. Les deux, c’est mieux. Mais si c’est aucun des deux, démissionnez.”

Ce qui m’a fait réfléchir à ce métier de la formation et à ce qu’il implique pour les personnes qui l’exercent, qu’elles en vivent ou non. Sur la question de l’argent, j’ai vite fait le tour : ce métier, exercé dans des centres de formation, ne fera probablement pas de vous une personne très riche, disons-le. Toutefois, certaines personnes tirent bien leur épingle du jeu en donnant des formations de façon indépendante (autoentreprise, par exemple). La variation énorme des gains potentiels m’a donné à penser qu’on ne pouvait pas vraiment en faire une règle.

Pour l’apprentissage, en revanche, la règle me semble possible à établir. Longtemps, écolière puis étudiante, j’ai pensé que dans une situation d’enseignement ou de formation, j’étais celle qui apprenait. La personne en face de moi, et bien… elle transmettait. Elle détenait un savoir qu’elle tentait tant bien que mal de faire passer de sa tête à la mienne.

Et puis un jour, je suis devenue formatrice. Et je me suis rendue compte que je m’étais trompée sur toute la ligne.

Qu’apprend-on quand on donne des formations ?

On apprend la diversité des façons de fonctionner, de traiter l’information, d’apprendre, de lire, d’écrire, de s’exprimer.

On apprend que nous avons tous et toutes des façons différentes de gérer les émotions, qu’elles apparaissent dans des situations variées et avec des intensités différentes selon qui les ressent.

On apprend que les parcours de vie sont toujours complexes, jamais simples, mais souvent beaux dans leurs zones d’ombre et de résilience.

On apprend sur notre domaine de prédilection, lorsque l’on fait des recherches, lorsqu’au détour d’une séance qu’on pensait maîtriser sur le bout des doigts, une question vient nous prendre par surprise, nous destabilise et nous fait dire “attends, il faut que je réfléchisse à ça et je te reviens avec une réponse”.

On apprend qu’on ne sait pas grand chose, finalement, qu’il nous manque bien des réponses à bien des questions, et que ce n’est pas si grave, après tout.

On apprend à se servir de nouveaux outils, de nouveaux logiciels, de nouvelles ressources, au fur et à mesure que le monde de la formation évolue.

On apprend à faire évoluer nos pratiques, à nous remettre en question, à échanger avec nos pairs et à essayer à notre tour leurs suggestions pour enrichir notre façon de faire.

On apprend que sans amour et sans bienveillance, la formation est moins efficace, même si la bienveillance rime parfois (toujours ?) avec une exigence absolue.

On apprend à évaluer une production en la séparant de la personne qui l’a produite, à donner des rétroactions formatrices, pour accompagner au mieux la personne vers ses objectifs.

On apprend la diplomatie, la gestion de conflits, la si belle profondeur des relations humaines, même quand elles se tendent.

Au final, c’est un échange d’occasion d’apprentissage, la formation. On est là, dans le même lieu (physique ou virtuel), pour se donner mutuellement des occasions d’apprendre et de grandir. Les apprentissages ne seront pas les mêmes selon qui l’on est, selon le rôle qu’on joue dans cette situation. Mais tout le monde, si tout va bien, devrait en ressortir plus riche.

En tout cas, on l’espère. Sinon, pourquoi donnerait-on des formations ? Par pur altruisme ? J’ai un doute. Je ne suis pas en train de suggérer qu’on ne fait rien par pur altruisme dans notre vie, mais de là à en faire une carrière, je crains que peu de personnes en soient capables (moi incluse !). Et c’est normal : ce serait drainant. J’ai toujours en tête les intérêts des personnes que j’accompagne quand je donne une formation, mais j’ai aussi besoin, je crois, de sentir cette petite flamme qui s’alimente au fond de moi.

On apprend, et on monte nous-même en compétence. On devient une meilleur version de notre nous professionnel. On peut apporter encore plus aux personnes que l’on accompagne. On évolue. On grandit.

À ce moment de ma réflexion, j’ai eu une pensée pour ces personnes au mode de fonctionnement un peu traditionnel, comme ces enseignants et enseignantes que vous avez sûrement côtoyés aussi, qui lisaient leur cours en avant de la salle sans vraiment d’interaction et sans activité. Je m’en souviens, comme apprenante, comme de longs et douloureux moments dont je ne retirais que des informations de surface que j’essayais tant bien que mal d’ingurgiter (et que, pour la plupart, j’ai oubliées depuis). Mais je me demande ce que ces personnes en retiraient, ce qu’elles apprennaient, si elles se sentaient s’enrichir en donnant des formations. Probablement qu’il y avait un apprentissage, mais lequel ? Définitivement, c’est une question que j’aimerais leur poser, loin du jugement et dans une vraie optique d’élargir mon propre horizon, celle du pourquoi, de la question de l’apprentissage et/ou du gain financier, et je suis convaincue que la discussion qui s’en suivrait serait passionnante.

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