Surmonter l’angoisse du premier jour de formation

Je me souviens de la première fois que je me suis tenue devant un groupe.

C’était il y a plus de quinze ans. C’était dans une contrée lointaine, dans un pays dont je ne parlais qu’à peine la langue. C’était un défi énorme pour la toute jeune fille que j’étais et qui se demandait un peu comment elle s’était retrouvée catapultée dans une situation pareille. J’avais mal au ventre, mal à la gorge, mal au coeur, mal dans chaque cellule de mon corps tellement j’angoissais. Et pourtant, il n’a fallu que quelques minutes pour que tout à coup, je trouve que c’était absolument merveilleux et que je sache, dans chacune de ces cellules qui me torturaient de peur, qu’il n’y avait aucun autre endroit au monde où j’aie envie de me trouver.

Depuis, il y a eu d’autres pays, d’autres langues, d’autres contenus, d’autres contextes, d’autres groupes, et à chaque fois, ce mélange de terreur et d’excitation à l’approche du premier jour de formation. Au fil des années et des formations, j’ai essayé de décortiquer ce sentiment de peur et de mettre en place des actions pour l’atténuer. Voici donc quelques raisons pour lesquelles cette journée n’est pas une journée comme les autres.

Le syndrome de l’imposture

Les personnes qui s’inscrivent dans une formation, qu’elle soit en présentiel ou en ligne, qu’elle soit certifiante ou non, ont investi leurs ressources pour se trouver là. Parfois, elles ont dépensé de l’argent. Parfois, elles ont réorganisé leur quotidien, leur famille, leur budget, pour pouvoir monter en compétences dans le domaine concerné et pour cela, et bien, elles vous font confiance pour les accompagner. Autrement dit, se tenir devant un groupe, c’est aussi se tenir devant des attentes. Parfois énormes. Parfois sous-entendues. Parfois aussi, exprimées clairement et fièrement, vous laissant avec cette question : “suis-je à la hauteur ?” Entrer en formation, pour la personne qui l’anime, c’est se confronter à l’obligation de se positionner comme guide, comme la personne qui saura accompagner le groupe. Et ça, parfois, c’est difficile.

Il y a une différence entre la sensation que l’on a lorsque l’on sait qu’on ne sait pas du tout, et celle que l’on a lorsque l’on doute. Il y a quelques années, je me suis trouvée dans une formation pour laquelle j’étais effectivement incompétente (et je n’aurais probablement pas dû accepter le mandat à ce moment-là de ma carrière… mais bon, j’ai appris de mes erreurs !) ; la sensation ressemblait à un immense trou noir, je ne parvenais pas à imaginer la formation, pas même les questions que l’on pourrait me poser. Normal : je n’y connaissais rien. En revanche, quand le domaine est connu, on doute en imaginant tout ce qui pourrait aller mal : “on pourrait me poser telle question” ; “et si on se rend compte que je n’ai pas le diplôme pour lequel on me demande de former les gens ?” ; “que se passera-t-il si le groupe maîtrise mieux que moi tel ou tel outil ?”. Voilà un premier signe : le syndrome de l’imposture nous fait nous sentir en difficulté par rapport à une tâche qu’on peut imaginer. Si on peut l’imaginer, c’est qu’on la connaît déjà un peu. La petite voix dans notre tête est donc celle qui voudrait nous faire croire qu’on ne sait pas, qu’on n’est pas à la hauteur… mais elle extrapole grandement. Un premier conseil serait donc de se rappeler que si on peut projeter, c’est que l’on sait où on va. A minima. Même si évidemment, on ne sait pas tout (voir point suivant).

La peur de la page blanche

Il arrive souvent que l’on s’engage dans une formation en se demandant ce qu’il se passera si on ne sait pas répondre aux questions. Après tout, si on nous a donné ce mandat ou si on a décidé de créer cette formation, c’est que l’on est supposé être spécialiste du domaine. Alors, quid de notre crédibilité si on ne sait plus quoi dire, si on a un trou de mémoire ? Ce qui créée cette angoisse, c’est une croyance encore très (trop ?) répandue que le formateur ou la formatrice doit tout savoir, ne peut pas avoir de faille théorique, doit être une sorte de superhéros ou superhéroïne de son domaine. Mais disons-le : c’est une attente irréaliste. Inatteignable. On ne peut pas tout savoir. L’accepter et faire l’expérience de l’humilité enlève bien de la pression sur les épaules, et permet aussi de se perfectionner. Une question à laquelle on n’a pas de réponse, c’est une opportunité d’apprentissage !

J’ai pris l’habitude de créer une feuille, virtuelle ou papier, pour les formations, où les personnes inscrivent toutes les questions auxquelles je n’avais pas de réponse. De temps en temps, je récupère la feuille, et je fais des recherches. L’objectif est que toutes les questions soient répondues avant la fin de la formation ! Cela me permet d’affiner mes connaissances, et instaure une dynamique de coconstruction dans laquelle je ne suis pas “celle qui sait tout”. On monte en compétence ensemble, et je deviens la guide, plutôt que la sachante. Je ne le fais pas systématiquement, mais pour les formations théoriques, c’est un outil bien utile.

La confrontation à l’altérité

Le premier jour de formation, c’est rencontrer un groupe composé de personnes toutes différentes, qu’on ne connaît pas encore, qui viennent avec leur histoire, leurs attentes, leurs forces et leurs points à travailler. C’est riche ! Mais c’est aussi confrontant : comment ces personnes fonctionnent-elles ? Vont-elles apprécier notre façon de fonctionner ? On peut alors se scruter soi-même pour essayer de repérer les moments où notre style pourrait entrer en confrontation avec leur représentation, et commencer à scruter le groupe pour essayer de comprendre comment il fonctionne. On peut aussi craindre de ne pas s’entendre, d’entrer en conflit sur des valeurs ou, parfois, se sentir en difficulté face à une personnalité plus revendicatrice. On peut enfin se demander comment accompagner telle ou telle personne au profil différent du nôtre, par exemple une personne qui affiche haut et fort un neuroatypisme ou une particularité relationnelle.

C’est un fait : nous sommes des personnes différentes, et l’enjeu relationnel de la formation va être de trouver un moyen de fonctionner ensemble pendant le temps qu’elle durera. À ce stade, des activités brise-glace collaboratives, où chaque personne se présente, exprime ses besoins, trouve des points communs avec les autres, vont être des outils précieux pour s’ajuster. L’instauration d’un climat de bienveillance et de communication est aussi l’une des clés pour naviguer au mieux ces différences.

Les défis techniques

Je ne suis pas très technologique, je ne sais utiliser que les fonctions de base d’un ordinateur, et en cas de difficulté de fonctionnement d’un outil technique, je suis d’une inutilité absolue. Et cela ajoute à mon stress de début de formation : souvent, il faut s’adapter à un nouveau matériel, à de nouvelles configurations d’espace, à de nouveaux outils. Si la formation s’offre en ligne, je ne fais qu’espérer que tout fonctionne, qu’internet ne se coupera pas et que ma réunion se lancera bien comme prévu. J’ai toujours ce petit stress que l’enregistrement ne parte pas, que l’outil en ligne que je prévois d’utiliser devienne subitement inaccessible, que cette superbe activité brise glace que j’avais prévu avec un quiz auquel il fallait répondre sur son téléphone ne fonctionne pas parce qu’une ou plusieurs personnes du groupe n’arrivent pas à se connecter. Or, le premier jour, j’aimerais avoir l’air a minima en contrôle de ce que je propose…

C’est l’ego qui parle ! La vérité est qu’il y a toujours des solutions, que tout le monde est à même de comprendre un défi technique et que l’on a suffisamment d’options dans nos bagages pour nous retourner et retomber sur nos pieds. Le quiz ne fonctionne pas ? Et bien, faisons une autre activité qui rejoint le même objectif ! La réunion en ligne refuse de se lancer ? Qu’à cela ne tienne, utilisons une autre plateforme. On ne se lance pas en formation sans aucune connaissance des outils et activités, on en a donc toujours une liste en tête. Faisons-nous confiance ! Et si c’est la perte de crédibilité devant le groupe qui nous inquiète, il y a fort à parier que le fait d’avoir su rebondir nous donne, justement, de la crédibilité…

La délicatesse de la posture

La première journée de formation nous oblige à nous positionner. On est la personne qui accompagnera ce groupe à travers l’acquisition des compétences, à laquelle il faut faire confiance pour que cela fonctionne. C’est particulièrement vrai lors des formations longues et/ou menant à l’obtention d’une certification. Le groupe est constitué de personnes ayant chacune des enjeux associés à leur présence en formation, et attendent de nous qu’on relève le défi à leur côté en jouant notre partition pour leur permettre de jouer la leur. Ce qui peut être un peu stressant, et nous faire nous demander si vraiment, on en est capable.

Cela implique de se positionner comme personne de confiance, entre proximité et autorité. Confiance, parce que nous sommes en quelque sorte capitaine du navire. Tout le monde va ramer et hisser les voiles, mais la vision de la trajectoire à suivre nous revient. Proximité, parce que l’apprentissage est grandement lié aux émotions, et que sans un minimum d’échange humain et d’accessibilité, rien ne sera possible. Imaginez-vous en capitaine, dans sa cabine, à étudier ses cartes sans que personne ne puisse venir lui parler : comment faire avancer le bateau ? Et autorité, parce que malgré tout, nous allons dicter les règles et il faudra bien que le groupe les suive si l’on veut arriver à bon port. Cette posture d’autorité peut mettre mal à l’aise, mais elle est essentielle (et autorité ne veut pas dire autoritarisme, hein). Le premier jour de formation, c’est donc l’occasion de démontrer cette posture au groupe et d’en remporter l’adhésion. Allez-y comme vous êtes, avec ces trois mots en tête : confiance, proximité, autorité. Présentez-vous, présentez le programme, et si tant est que vous avez bien planifié votre formation, il n’y a aucune raison que cela ne transpire pas dans votre discours.



Bref, le premier jour de formation peut être source de bien des angoisses et d’inquiétudes, mais elles sont tout à fait normales. Le doute est parfois raisonnable, et surtout, il exprime votre compétence et votre souci que cela fonctionne. C’est plutôt positif ! Si je ne devais donner qu’un conseil, finalement, ce serait celui-ci : ayez du fun ! C’est encore la meilleure façon de surmonter les angoisses du premier jour, et si vous êtes là, c’est que vous en avez les compétences. Go for it !

 
 
 
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